dimanche 28 novembre 2010

Bulle me dit que d'avoir un père depuis si longtemps, peut induire cette idée : les parents sont éternels. Je comprends la douleur de ce point de vue. Pourtant je ne suis pas sure de la justesse de ce sentiment. Quelques soient nos croyances religieuses ou philosophiques, la mort peut-être théorisée, idéalisée... la seule réalité tangible, c'est l'absence, l'insupportable et incompréhensible néant.
S'il est possible de hiérarchiser le deuil, la perte d'un enfant me semble la plus incommensurable douleur et la plus absurde, papa l'a subie.
Il y a le poids terrible des images et des souvenirs, il y a aussi heureusement la communion du rire au travers de nos larmes... le rire de la tendresse, le rire de l'empreinte qui construit et procure à l'absent cette vie éternelle dont nous sommes si avides.
Nous sommes dépositaires de racines, il faut en prendre soin pour nous nourrir, avec tendresse et sans appréhension, uniques et solitaires, nous sommes tous utiles, nécessaires, indispensables à l'harmonie humaine. Nous sommes condamnés à perpétuité...
À propos d'harmonie, les genoux de Granpé ont accueilli la plupart d'entre nous pour nous bercer, nous amuser, nous accueillir au son de chants tendres, mélancoliques, drôles ou improbables...
Il en est un qui me hante en ce moment, j'entends sa voix et celle de tant d'autres avec lui :
C'est moi l'coco du Colorado,
l'as du Browning et du couteau,
à ch'val toute la nuit
sur le tiroir d'la tabl' de nuit,
sans pousser un cri,
dans l'hôtel garni,
j'attaque les fourmis dans la sierra,
j'écrase les punaises entre mes doigts,
c'est moi,
le roi,
des cow-boys américains!
Tin rrin tin tin!

samedi 27 novembre 2010

Il est possible d'honorer la mémoire de papa de différentes manières. Testard, raineur, égocentrique comme beaucoup dans notre famille... et j'en suis! Mais aussi généreux, passionné et surtout homme de goût. Il a eu l'occasion de nous le montrer dans son métier, mais c'est surtout dans le choix de ses amours. Si ma mère et lui étaient trop dissemblables, il a su trouver trouver Sissi. Une femme d'exception ne serait-ce que par l'intelligence du cœur, elle nous a tous supportés, elle nous a portés, communiant avec nous dans la joie et la douleur.
Elle nous a offert un autre cadeau inestimable : Calie, bien qu'elle soit grande maintenant ce sera toujours pour moi le petit être rieur qui essayait de téter tout ce qui pouvait bien passer à sa portée.
Merci Sissi.
Et c'est pour lui, pour moi, pour nous, que je veux te dire que tu nous rend heureux, mais qu'il faut maintenant que tu t'occupes un peu de toi et que tu découvres enfin un peu l'égoïsme.

vendredi 26 novembre 2010

Papa
Étant enfant, mon père m'emmenait en voyage pour visiter ses chantiers, pour aller voir ses clients, il était architecte... parfois même pour se balader.
Ces longues courses en Déesse étaient l'occasion de chants doux et mélancoliques... chantés plus ou moins faux et à tue-tête ou d'inventions plus ou moins bancales pour tromper l'hypothétique ennui.
Nous ponctuions ces moments de bravoure par une ritournelle de notre invention, simple et tendre qui nous semblait le summum de la complicité artistique :
Moi : je t'aime, je t'aime, je t'aime, ô mon papa!
Lui : je t'aime, je t'aime, je t'aime, ô ma Cati!
Le déjeuner se composait parfois d'une simple pêche de vigne achetée au hasard et semblait pourtant la plus délicieuse du monde.
Nos rapports alors étaient plus simples qu'ils ne le furent, mais j'ai toujours entendu nos voix soudain timides, ou comiques, ou conquérantes... se répondre dans la tendresse de moments qui ne sont jamais perdus.

jeudi 18 novembre 2010

Là ou y a du gène, y a du plaisir

D'aucuns se flattent d'une généalogie prestigieuse, souvent nobiliaire; est-ce la fascination de ce qui eut pu être ou celle plus prosaïque de le recherche de nos talents?
Parfois la légende familiale s'attarde sur des personnages plus ambigus, on chuchote leurs exploits ou leurs méfaits à la veillée, on s'esclaffe aussi de certaines gaillardises et truculences plus ou moins romancées...
Ainsi, je peux me prévaloir, pour mes préférés,
  • d'un ancêtre maître d'arme, syphilitique, dont les exploits guerriers semblaient privilégier les rivières de lits moelleux à celles des fronts de batailles, avant de revenir mourir dans la couche conjugale, il papillonnait sans se préoccuper de sa famille, qu'il visitait parfois du haut d'un tilbury mené par une belle inconnue;
  • d'un tambour de la garde impériale auquel nous devons le gigantisme de certains membres de la famille : en effet, ces messieurs étaient recrutés pour leur taille dépassant les deux mètres dix, sans doute pour servir de rempart à une personne de petite taille..., qui épousa une cantinière et eut un fils parmi les premiers scaphandriers de l'histoire;
  • D'un maître coq, dans la marine marchande qui nous a légué notre racisme antibriton, dont l'exploit fut de préparer de la « Bête » à son capitaine friand de lapin... Non pas que celui-ci fut mauvais homme, mais ses origines celtes et son chat fureteur était le cauchemar de l'oncle Stanis. Profitant de l'ambiguité de la commande faite à l'escale de pourvoir au menu de « Bête au Madère », cet irascible gâte-sauce, plongea dans sa marmite le félin chéri de son commandant; imaginez le patron se régaler et appeler son chat pour lui donner les os à sucer...
  • d'un jeune homme destiné contre son gré à la prêtrise, qui partit à la veille de son ordination avec la caisse du couvent... mon favori!

J'ai hérité d'un patronyme assez peu courant, dont l'origine vient du sud-ouest de notre belle patrie. Notre famille compte beaucoup de « personnages », généreux, attachants, hauts en couleur, surdoués mais rebelles à l'autorité, égocentriques et difficiles à vivre.
C'est un peu mon portrait aussi...
Je fais des efforts, le métier que j'ai choisi est très normatif et me destine à rencontrer les autorités les plus diverses dans le cadre de l'insertion des personnes les plus en difficulté : je suis formatrice.

Dans le cadre de mes fonctions, je devais obtenir l'aval d'une Juge de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, pour la signature d'un Contrat Emploi Solidarité, d'un jeune harki des cités, particulièrement désorienté après son service militaire au Kosovo.
Comme toujours dans l'urgence, cette démarche m'obligea à me présenter sans rendez-vous et à argumenter pour obtenir cette entrevue, ce que je fis courtoisement, prête à attendre aussi longtemps que nécessaire. On me reçu très rapidement.
Après les présentations d'usage, la dame, très aimable et compétente, mena l'affaire rondement. Elle me regardait avec une attention particulière qui me fit m'interroger sur la netteté de mon apparence: l'apparition d'un comédon géant, d'une hypothétique tache de cambouis (un véhicule rétif est associé à mon karma)... mon strabisme divergent se serait-il accentué?
La signature tant désirée enfin apposée, ni elle, ni moi, ne sachions comment prendre congé, elle voulait me dire quelque chose, je ne savais pas de quel ordre. Enfin, elle me demanda si j'habitais notre ville depuis longtemps. Surprise, mais soulagée, je lui fis part de mes errances diverses comprenant qu'elle pouvait avoir croisé mon chemin, ici ou ailleurs, chose que mon début d'Alzheimer semblait oblitérer.
Je n'y étais toujours pas.
Rassurée par mes propos, elle me parla de souvenirs cuisants d'un ancien poste dans le sud-ouest: incendie du tribunal (monument classé historique), agressions physiques, qu'elle avait subis d'une homonyme assez turbulente, qui vivait avec deux frères aussi agités qu'elle et un enfant dont on ne voulait pas imaginer l'identité du père.
Partagée entre la compassion et l'hilarité, je lui avouais que cette description me semblait correspondre au salmigondis des tares familiales dont je vous ai livré une liste non-exhaustive au début de ce récit et lui racontait notre folklore. Dans le demi-jour d'une après-midi d'hiver, cette dame charmante, aidée par mes approximations fabuleuses, se débarrassa enfin de la crainte de mon nom.

samedi 28 août 2010

BabaYaga

D'aucuns disent que Sophie est le prénom de la sagesse... Je m'inscris en faux!
Quand je dis que je m'inscris, c'est pure routine: j'ai toutes les cartes : michelin, visa, carrefour et tout ce qui est vitale...
Enfin, quelque part, au niveau du vécu, je suis pas d'accord!
Ma Sophie à moi, c'est du nanan; belle comme une actrice de cinéma russe récupérée par Hollywood, sociale comme mon épicier Rachid, s'il s'était appelé Marx de son patronyme; Emilie lorsqu'il s'agit de sa bonté.
Vous direz qu'il y a toujours un revers à votre veston, la médaille de la sainte Rita qui se mélange dans vos poils pectoraux z'aussi a un verso... Je dois avouer que cet ange femelle, ce nectar amoureux a un petit (mais tout petit) défaut, elle est sentimentale, certes! Mais ...
Si sa fantaisie est une méthode, d'accord, elle s'accorde avec son nom!
Je ne le crois pas...
J'ai le regret d'avouer que mes soupçons m'inclinent à penser qu'elle navigue avec curiosité de désirs de bonheurs en plaisirs malheureux, qu'elle ne méprise aucun non-sens et qu'elle aime les possibles.
Il faut bien avouer qu'à son aulne, la sagesse est morbide.


lundi 11 janvier 2010

Conte du nouvel an 2010.

Conte du nouvel an 2010.


Boudha ou, si vous voulez, l'Empereur de Jade sommeillait tranquillement lors de l'audience du matin pendant que son scribe « étoile d'Or », fin lettré et piètre calculateur, s'occupait des affaires courantes : affectation du Juge Ti, réfection du palais…
Bien sûr, sourd comme un pot de soupe aux nouilles, ce brave gratte-papier était capable d'envoyer le Juge Ti au monastère d'Humilité, d'organiser un repas fin…, mais Boudha tirait un peu sa flemme après une soirée arrosée des meilleurs nectars du palais céleste et qui sait si étoile d'Or n'avait pas des capacités de divination?
Toujours est-il que déboulant dans l'hémicycle astral, les rois de la Montagne (le Tigre), des Mers (le Dragon) et des Oiseaux (le Phénix), réveillèrent l'auguste maître de tous les lieux par leurs stridentes récriminations :
- Les Hommes nous veulent du mal!
- Ils se paient notre tête et en font des trophées!
- Les êtres Humains ou ne pas être?
- Ils nous polluent et sentent mauvais!
- Les Humains sont néfastes et dangereux, comme de la nourriture pas bio!
- Quand est-ce qu'on mange?
- Votre architecte est-il toujours en activité?
- Leurs femelles sont pire encore! Elles nous tranches en lamelles dans leurs ragouts, nous réduisent en poudre dans leurs onguents, se parent de nos dépouilles!
- Bof! Les mâles sont pas mal non plus!
- Ils nous traitent comme des parias!
- Ou comme des esclaves!
- De toutes façon ils sont nuisibles et, qui plus est, inutiles. Quand est-ce qu'on les mange?, insista le Tigre.
Aucune cérémonie, aucun respect ne justifia une réaction définitive du propriétaire, pris au dépourvu dans ses rêves champêtres, magnanime et peut-être indifférent, il marmonna quelque chose comme « Six choux, un Mao par chance ont vu une vache qui joue et sue l'ail. », en fait, il récitait benoîtement les douze branches terrestres, mais son secrétaire particulier, toujours aussi intuitif, proclama qu'une course de fond à la cinquième veille du matin, près de la porte sud du palais céleste, déciderait des dix animaux qui pourrait gouverner la destinée des hommes nés sous leur signe zodiacal et ainsi gagner leur considération sinon leur affection.

Comme les trois mages, nos représentants de la gente bestiale se fièrent à leur bonne étoile et coururent les chemins répandre la bonne nouvelle auprès de leurs vassaux.
Tigre et Dragon, vieux complices, faisaient leur cinéma sans s'occuper du Phœnix aussi celui-ci d'un caractère atrabilaire se consuma de rage sur la route, ainsi ne put-il se présenter le lendemain à l'heure du concours; il ne renaquit de ses cendres que pour constater le résultat des courses, ce qui n'améliora en rien le sel de son état d'esprit.

Apprenant la nouvelle, le Chat raffiné et élégant, commença à se toiletter avec vigueur. Le Rat ignorant, sortit de son trou attiré par une vague rumeur. Assistant à l'édifiant spectacle du félin en pleine décrottation, il se permit un ricanement et une question dans le même temps (essayez, c'est pas si facile!) : « Pour quelle occasion cette débauche soit-disant hygiénique? », auxquels Raminagrobis aurait répondu par le mépris, sans quelque fatuité qui l'incita à informer le mulot et de conclure vigoureusement : « éh, sous arvicole! », car il avait le chic jusqu'au vocabulaire. Ceci dit, il s'adoucit pour proposer au campagnol de faire route ensemble après une petite sieste.
Notre hamster accepta d'autant mieux la proposition, qu'il se proposait encore et in petto d'attendre le sommeil du grippeminaud pour se rendre seul à la fête.
L'éléphant qui passait par là, un peu dur d'oreille lui aussi, malgré les proportions d'icelle, demanda au rat ce dont il s'agissait, celui-ci lui répondit sans hésiter que le chat allait se marier et l'invitait à la noce le lendemain matin, la liste étant déposée au « Joyeux Cannibale » à l'opposé du Palais de Jade. Tout content, le mastodonte embraya vers ce célèbre magasin en esquissant un pas de mazurka tout à fait convainquant.

Le tapage autour de cet événement prodigieux défraya les média de l'époque : le vent, la pluie, les petits cailloux, la sauce blanche... Il prit une ampleur telle qu'une arche fut affrétée par un certain Noé afin de répondre aux exigences d'une nombreuse clientèle parfois excentrique et souvent excentrée. Il fit de si bonnes affaires que sa tribu garda longtemps une réputation d'opportunisme et de richesse, somme toute pas toujours méritée.

Dans les douves du palais , se vautrant dans la fange, le Sanglier regrettait à part lui que le bruit nuise à son repos sacré (il ne se prenait pas pour un excrément même s'il se roulait dedans!). Son naturel facétieux et, oserais-je l'avouer: iconoclaste, lui suggéra illico mille facéties lui permettant de se venger... pour les mettre en œuvre, le meilleur moyen n'était-il pas de s'arroger le titre d'arbitre de la manifestation, ce qu'il fit aussi sec, bien qu'étant encore un peu mouillé.

Enfin, à l'heure et au lieu dits, les experts séraphiques présentèrent le parcours de trois mille sept yards exactement :
- Départ au « Coup de Fusil », célèbre auberge des remparts,
- ligne droite le long du Champ de Pavots en Fleurs,
- courbe du Moulin de Piments Rouges,
- ligne rive gauche du lac des Cygnes,
- courbe du Petit Bois de Li,
- passage du lit de la rivière Skaï
et enfin le poteau devant la tribune des VIP (Vénérables, Idoles et autres Providences), où étoile d'Or inscrirait les gagnants selon leur ordre d'arrivée sous l'égide du Dieu du Ciel.
Dans la foule bigarrée, le Coq seul représentant de la gent aérienne du fait de la défection du Phœnix, que sa propension à ne pas voler haut avait conduit à bénéficier des informations terrestres, arborait deux splendides cornes qui faisait l'admiration de ses voisins, particulièrement celle du dragon, qui peu gâté par la nature, pensait qu'un tel ornement rehausserait considérablement sa physionomie.
Le Rat, inquiet de sa petite taille, jetait des regards envieux au Taureau puissant sans se douter qu'un caractère paisible et doux se cachait sous ce gros tas de viande.
Le Tigre, bousculé dans la cohue par une plèbe peu révérencieuse, sentait la colère agiter ses moustaches, poursuivi par un Singe au tempérament artistique très développé qui, tout en admirant la majesté, la souplesse et, pour tout dire, la beauté du fauve, cherchait ce qui manquait à sa dignité pour en faire une créature parfaite. Il faut dire qu'en ce temps là, la noble face poilue du splendide animal était exempte de toute décoration et lui donnait une apparence assez fade.
Le Lièvre fouettait l'air d'une somptueuse queue dont la fourrure épaisse et soyeuse provoqua la jalousie du Chien, affublé d'un appendice bien moins décoratif.
Entre les jambes du Cheval fougueux, piaffant d'impatience, se dandinait le Serpent, glissant dans le sable de la piste sculptée par les sabots en vagues propices à sa reptation.
La Chèvre boudait devant ce troupeau indiscipliné qui piétinait sauvagement une pâture dont elle aurait fait ses délices, au pire, ses choux gras.
Enfin, la masse des sans grade, des sans amis, des sans nom, la piétaille envahissait l'espace des appels, des cris, des bavardages les plus divers.
Notre ami le Sanglier, observateur narquois, passait de l'un à l'autre suggérant au passage les idées saugrenues qui lui semblaient convenir le mieux aux situations dont il était le témoin. Voici quelques résultats de ses suggestions :
Le Coq s'accoquine avec le Dragon, seul animal présent capable de voler, et afin de se soutenir l'un l'autre, lui prête ses cornes afin de lui porter bonheur pendant la course (ne dit-on pas une chance de cornard?), en échange de quoi, son estimable et imposant collègue pourrait lui donner un coup de patte dans les parties trop rapides de la course où sa corpulence négligeable lui serait désavantageuse.
Le Rat copine avec le Taureau et lui demande gentiment de l'aider à passer la rivière sur son dos, car il est trop mauvais nageur et trop petit pour atteindre l'autre rive sans se noyer. Le bon cœur du bovidé s'émeut et il accepte l'arrangement sans rechigner.
Le Singe, indifférent aux enjeux de la course, propose au Tigre d'inscrire le symbole royal sur son visage afin de gagner en esthétique, mais aussi de s'élever en majesté. Ainsi il peut afficher un certificat éloignant la populace qui l'importune. Enthousiaste, celui accepte et c'est depuis ce temps qu'il arbore un aspect aussi majestueux qu'inutile puisqu'il est en voie d'extinction.
Le Chien explique au Lièvre le handicap que constitue sa queue, en effet cette extrémité, certes ravissante, freine sa course et déséquilibre ses efforts. Après quelques hésitations, faisant foin des regrets et espérant entrer ainsi au panthéon astrologique, ce brave Lapin se mutile et abandonne son appendice caudal aux quatre vents.

Enfin le Cochon donne le signal du départ. La multitude s'élance dans un grand désordre qui ralentit les plus rapides et avantage les plus prompts ou les plus agiles; d'autres, incommodés par les effluves capiteux du Champ de Pavots en Fleurs zigzaguent lourdement dans la ligne droite, d'autres encore bousculés (surtout par la Chèvre qui se sert de ses cornes avec célérité) souffrent d'atteintes dans la confusion, se dérobent et abandonnent le combat.
À l'entrée de la courbe du Moulin, le Lièvre caracole en tête, suivi de deux longueurs par le Cheval qui entraîne le Serpent dans sa course, le premier obstacle est bien négocié par la plupart des inscrits, certains le franchisse en sautant par dessus, d'autres en s'inclinant, la plupart ont une taille suffisante pour passer au-dessous sans effort.

Les concurrents à la corde prennent de l'avance et s'engagent sur la rive du lac des Cygnes bille en tête, le deuxième balai fait un carnage : les animaux commencent à sentir le poids des efforts déjà fournis, seuls les cracks sont encore en course... ainsi que le Singe, admiratif, il passe de l'un à l'autre sautant sur l'un s'agrippant à l'autre, se grisant de vitesse, d'images et du sentiment de liberté engendré par cette cavalcade dont il continue d'ignorer le but. Le Cheval s'enlève mais un écart du Taureau le précipite sur la lice. Il est seulement étourdi mais son allure s 'en ressent. Le coq est un coureur de fond, il grignote les inédits et s'installe dans le peloton de tête, aidé parcimonieusement par le Dragon..
Le Lièvre interpelle le Dragon à l'orée du Petit Bois de Li, il le défie pour inciter l'autre à s'enchevêtrer dans les branchages et perdre beaucoup de temps à démêler ses cornes!

Enfin le Rat épuisé saute sur le cou du Taureau et lui rappelle leur accord, en vain : le bovin est enfin parvenu à l'extase de l'athlète, il ignore tout et fonce d'un galop aérien et magique.
Le Tigre court fier de sa tenue.
Le serpent, qui n'a pas fourni grande activité, profite des derniers mètres pour s'affranchir de son bourrin et s'accroupit sous le Dragon qui s'envole.
Arrive enfin le poteau fatidique, le Rat, gagnant du bras, dans un dernier effort rampe sur le cou, la tête, puis le museau du Taureau, à l'instant même ou ils le franchissent.

Boudha égrenne enfin le nom des classés en comptant sur ses doigts. étoile d'Or les inscrit sur le registre divin:
1.Le Rat (exultant),
2.Le Taureau (rageur),
3.Le Tigre (royal),
4.Le Lièvre (éperdu, c'est plutôt un sprinter!),
5.Le Dragon (épuisé),
6.Le Serpent (réjoui),
7.Le Cheval (harassé et vexé),
8.La Chèvre (opiniâtre),
9.Le Singe (ébahi),
10.Le Coq (exténué mais heureux),
11.C'est assez! (on aurait pu croire que les Cachalots seraient intéressés, mais en langage céleste l'homophonie vise plutôt le Chien... étoile d'Or, à son habitude inscrivit donc le chien à la suite),
12.ça suffit! ( c'est le Cochon qui profita du calembour avant que l'Empereur de Jade ne s'énerve et lui arrache le registre des mains.).

Bien sûr le cochon, en tant qu'arbitre, s'avance pour contresigner le résultat des courses et en profite pour s'inscrire en premier. Bien sûr aussi, il est immédiatement repéré et remis à sa place.
Le Roi du Ciel, après avoir filé une rouste à son malheureux secrétaire, fit contre mauvaise fortune, bon cœur, lui qui n'aime pas la musique sérielle bâtit son astrologie dodécastrale.

Le Coq remis de ses émotions va trouver le Dragon pour récupérer ses cornes, heureux de leurs résultats respectifs, mais celui-ci refuse de s'en séparer et ricane méchamment en lui promettant de les lui rendre quand le soleil se lèvera à l'ouest. Depuis lors, notre pauvre coq supplie inutilement le soleil de s'y conformer tous les matins.
Le Rat rentre enfin chez lui et tombe malencontreusement sur le Chat qui a appris les évènements et quelque peu survolté, lui saute sur le paletot et n'en fait qu'une bouchée, c'est ainsi que les chats ont attrapé leur souriphobie.

Voici la fin de cette édifiante histoire, qui prouve bien qu'avec un paquet d'ahuris on peut travailler et faire des choses qui durent! Le Cochon et le Tigre se joignent à moi pour vous souhaiter une excellente année 2010.